L’économie de la nature : production, consommation, décomposition
L’étape organique des cycles écologiques (celle du réservoir de la vie) peut être considéré comme le véritable « moteur » de l’ensemble des cycles. C’est au cours de cette étape que sont fabriquées et consommées les principales substances responsables du maintien de la vie, que se régule la teneur de l’atmosphère en oxygène, ou que sont stockées des milliards de tonnes de matériaux. Tout ceci grâce à une organisation permettant une « industrie » et une « économie » modèles : production, stockage, distribution, consommation, répartition équitable de l’énergie, recyclage complet des matériaux. Les trois groupes d’organismes sur lesquels reposent cette industrie et cette économie sont les producteurs, les consommateurs et les décomposeurs.
Les producteurs sont les plantes vertes ou les végétaux aquatiques et plus généralement tous les organismes capables de réaliser la photosynthèse, c’est-à-dire la fabrication de matières organiques à partir de la seule lumière solaire et de gaz carbonique minéral (on les appelle aussi autotrophes).
Les consommateurs sont les animaux de toutes tailles, herbivores et carnivores, des milieux terrestres ou aquatiques, qui se nourrissent d’organismes vivants et brûlent la matière organique composant les tissus de leurs proies, grâce à une réaction interne d’oxydation : la respiration (on les appelle aussi hétérotrophes).
Les décomposeurs se nourrissent d’organismes morts ou de substances chimiques dispersées dans l’environnement. Le schéma ci-après résume les relations entre ces trois groupes dont l’activité constitue la base du fonctionnement de l’écosystème et de la régulation de son équilibre.
Durant la journée, les producteurs fabriquent de grandes quantités de matières organiques qui s’accumulent dans les cellules végétales. En même temps se produit une énorme exhalaison d’oxygène. La nuit, l’importance des processus d’oxydation l’emporte : les consommateurs oxydent — brûlent — la matière organique nouvellement fabriquée et stockée, afin de produire l’énergie qui leur sert à effectuer un travail. C’est le processus de la respiration. Bien entendu, les animaux, les végétaux et les décomposeurs respirent aussi le jour, mais les processus diurnes de production sont d’une telle importance qu’ils rendent presque négligeables les réactions d’oxydation qui se déroulent simultanément.
Les deux réactions de base de la vie : production et consommation (c’est-à-dire photosynthèse et respiration) sont couplées. Il existe une différence importante entre les organismes capables de transformer l’énergie radiante (la lumière) et ceux qui transforment l’énergie fixée, c’est-à-dire l’énergie piégée dans les liaisons chimiques des molécules organiques. Cette énergie n’est libérée qu’au moment où ces liaisons sont rompues. C’est ce qui se produit au cours d’une combustion libre (le feu) ou contrôlée (la respiration).
Cette énergie fixée circule donc tout au long de la chaîne alimentaire (appelée aussi chaîne trophique) constituée par les consommateurs, c’est-à-dire les herbivores et les différents niveaux de carnivores, chacun tirant profit au maximum de l’énergie préalablement stockée dans les tissus des organismes qu’ils capturent et qui les précèdent dans la chaîne. Cette énergie est utilisée jusqu’à la dernière « miette» au moment de la décomposition des cadavres d’animaux ou de végétaux. Les micro-organismes trouvent encore de l’énergie à extraire de molécules organiques déjà relativement simples, en les transformant en molécules minérales, remises en circulation dans les circuits de l’écosystème.
Quel que soit l’organisme transformateur, l’énergie est perdue pour la chaîne alimentaire de trois façons différentes, analogues à des « fuites » d’énergie.
- Par la respiration, puisque l’énergie ne peut produire du travail qu’en se dégradant en chaleur irrécupérable.
- Par la consommation, par d’autres organismes, de tissus végétaux ou animaux ayant préalablement stocké de l’énergie.
- Enfin, par la décomposition des organismes morts et l’élimination par les végétaux et les animaux d’exsudats et d’excréments.
En plaçant à la suite plusieurs schéma de ce type on peut se faire une idée de l’écoulement de l’énergie dans la chaîne alimentaire et des pertes qui s’y produisent.
L’élimination des déchets et le recyclage
Si le rôle des végétaux-producteurs et des animaux consommateurs est généralement bien connu, celui des micro-organismes décomposeurs l’est beaucoup moins. C’est pourtant grâce à leur prodigieuse activité que les déchets organiques sont transformés en substances stockées dans les sédiments à l’abri de l’oxydation, sous forme de molécules solubles transportées par l’eau de ruisseIlement, ou de molécules gazeuses libérées dans l’atmosphère. Toutes formes pouvant être à plus ou moins long terme réutilisées par l’écosystème.
Que sont les décomposeurs ? Des bactéries, des algues, des champignons, des levures, des protozoaires, des insectes, des mol. lusques, des vers… toute une population grouillante d’êtres minuscules à l’appétit et à l’activité insatiables.
Les molécules organiques composant les excrémenté, l’urine, les tissus en décomposition et tous les déchets dégradables sont brisées par les décomposeurs en tronçons plus petits et plus simPles. Ce tronçonnage moléculaire conduit, tout au bout de la chaîne, à du gaz carbonique et à de l’eau, résidus ultimes de la décomposition de la matière organique. Cette décomposition complète se réalise, par exemple, dans l’environnement riche en oxygène d’une forêt ; dans un sol aéré par les insectes ou labouré par les vers de terre. Les résidus impossibles à briser forment l’humus. Les éléments minéraux, azote, soufre, phosphore, sont totalement régénérés. Pendant ce processus, les décomposeurs eux aussi respirent. Ils renvoient aux plantes du gaz carbonique et dégagent d’importantes quantités de chaleur. Il est facile de s’en rendre compte à proximité d’un tas de terreau ou de fumier.
Mais ce tronçonnage de molécule peut également se réaliser en l’absence d’oxygène : au fond d’un lac dans la vase des marécages ou à l’intérieur d’un cadavre. La décomposition est incomplète, la combustion se fait très lentement, en libérant moins d’énergie : c’est la fermentation. Les résidus incomplètement brûlés s’accumulent dans le milieu, en lui conférant l’odeur particulière des matières en décomposition, comme au Noisinage des marécages par exemple. Les matières organiques de cessols très riches sont peu à peu incorporées à des sédiments. C’est l’origine de la tourbe, du charbon et évidemment du pétrole.
Les nitrates, sulfates, phosphates, incorporés dans des sédiments par suite de l’action des décomposeurs, peuvent être libérés lors de l’érosion des roches par le vent, le gel ou la pluie, et solubilisés par l’eau de ruissellement. Ils sont réinjectés dans, la chaîne alimentaire au niveau des racines des plantes et la quittent dans l’urine des animaux (surtout pour l’azote) ou dans leurs excréments (soufre et phosphore).
Ce recyclage des matériaux de la vie se produit donc alternativement dans une phase organique et dans une phase inorganique; soit sédimentaire (réservoir des sédiments), soit atmosphérique (réservoir de l’atmosphère). C’est en raison de cette alternance et de ce couplage entre les cycles atmosphériques, géologiques et biologiques que les grands cycles qui maintiennent l’écosystème se nomment cycles biogéochimiques.
Le schéma ci-dessus résume et reprend les principales phases du cycle général des éléments chimiques de l’écosystème (carbone, azote, soufre et phosphore). Il fait ressortir la circulation des éléments chimiques entre les principaux réservoirs. Ce schéma Peut s’appliquer à chaque élément, bien que certains cycles présentent une phase prédominante dans le réservoir atmosphérique ; ou, au contraire, dans le réservoir sédimentaire, ce qui est le cas du phosphore, par exemple. On retrouve à droite la phase organique décrite précédemment.